PAULINE BEURIER-ORSINI
PSYCHOLOGUE-PSYCHOTHÉRAPEUTE
PSYCHOLOGUE-PSYCHOTHÉRAPEUTE
L'enfant et les violences intrafamiliales![]() « Sortir les violences faites aux enfants de l’invisible et de l’indicible ». Quand on parle de maltraitances envers les mineurs, de quoi parle-t-on ? La maltraitance recouvre les violences physiques, les violences psychologiques, les violences sexuelles et les négligences lourdes commises à l’encontre d’un mineur âgé de moins de 18 ans. Nous parlons des situations où la protection d’un enfant est défaillante ou absente. La loi dit que le parent d’un enfant se doit de « le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne » article 371-1 du Code Civil. La maltraitance infantile est un sujet souvent traité « en creux » ou en marge. Au travers des médias, des réseaux sociaux, de conférences ou de formations, on parle beaucoup d’éducation positive, de bienveillance, de « bientraitance », il fleurit de plus en plus de théories sur l’éducation et la mise en valeur des qualités de l’enfant, de sa confiance en lui afin de lui faire exprimer ce qu’il a de meilleur en lui. Mais le sujet des violences et des mauvais traitements faits aux enfants est souvent abordé sous la seule lumière crue du fait divers, de l’histoire choquante, de l’exemple sidérant. Etre confronté brutalement à un fait divers sidère. Il est important de garder cela à l’esprit. Et la sidération n’appelle pas à la réflexion, au questionnement, à la distanciation. Elle ne permet pas de comprendre la situation, de la voir dans sa globalité et sa complexité. Elle empêche de voir et d’écouter et, par conséquent, elle bloque la parole. Si elle bloque la parole alors elle empêche la révélation. Et en cela, les faits divers relayés et mis en lumière dans les journaux télévisés ou la presse écrite, bien que mobilisateurs sur le moment, sont dangereux à long terme. La violence et à fortiori la violence faite à un enfant, personne fragile et vulnérable, oblige à « penser l’impensable ». Dans notre inconscient collectif, la famille est un lieu de refuge, le parent est le garant de la sécurité et de l’affection nécessaire au bon développement d’un enfant. La réalité est bien différente et surtout plus nuancée et face à des problèmes professionnels, d’histoires personnelles, économiques, d’addictions, de manque de repères éducatifs, beaucoup de parents se trouvent en difficulté face à leur fonction. La croyance qu’un parent a « tous les droits », que c’est « pour son bien », que « une claque, on en meurt pas », que « j’ai été élevé comme ça, ça m’a servi », etc. est encore bien souvent ancrée dans beaucoup d’esprits et les faits divers relayés par les médias ne font finalement pas état de cette « violence ordinaire » telle qu’une gifle qui se répète un peu trop souvent, tels que des mots un peu blessants, tel qu’un désintérêt vis-à-vis de l’enfant. Le point crucial est la prise de parole, dire les choses, les faire sortir du « secret » et de l’intimité familiale. C’est là qu’est toute la difficulté pour un enfant car pour parler, il faut avoir confiance. Et comment avoir confiance en l’autre, en l’occurrence un adulte, quand les premières personnes censées le protéger sont la cause de sa souffrance, la source de sa peur. Et comment arriver à dire quelque chose qui peut mettre à mal un parent qui, bien que maltraitant, est aimé et aime dans la grande majorité des cas. Un enfant qui reste silencieux peut le faire par peur des représailles mais aussi par peur de porter préjudice à son/ses parent(s) et de « détruire » sa famille. Toute personne se doit d’être particulièrement vigilante. Les professionnels doivent être à l’écoute, observer, offrir un espace de parole et d’accueil bienveillant afin de permettre à la parole d’éclore. Faire entendre à l’enfant qu’il n’est pas responsable, ni de ce qu’il subit, quelque soit son comportement, ni de ce qui pourra arriver ensuite. Une partie de la solution est dans l’écoute et l’accueil, tant de la parole de l’enfant qui essaie de dire ou qui n’ y arrive pas que de celle de l’adulte violent qui se trouve souvent face à ses propres limites et à ses souffrances. Les Conseils Départementaux, l’Aide Sociale à l’Enfance, sont là pour répondre aux difficultés et aux carences parentales. L’intervention des professionnels permet la mise en place d’accompagnements éducatifs auprès des mineurs et de leurs parents. Quand la collaboration des parents n’est pas possible, les services sociaux peuvent relayer la situation à la justice. Pour aller plus loin… Dans ce domaine, il est intéressant de citer le film « Polisse » qui est, dans son genre, une très bonne illustration de l’impact que peut avoir, sur nous tous, les violences faites aux mineurs. Les comportements et réactions de cette équipe de policiers a souvent choqué lors de la sortie du film, générant incompréhension, colère et questionnements. Effectivement les personnages se montrent parfois odieux dans leur manière de traiter les gens et les cas, ils se montrent distants, indifférents voir moqueurs. Ces scènes illustrent parfaitement ce à quoi ces hommes et ces femmes sont confrontés et qu’ils ne peuvent pas fuir : l’insupportable. Le comportement des policiers est ici à voir comme une défense. De cette manière, ils se protègent de cet "insupportable" qu'ils sont obligés de voir, d’écouter et d’admettre. Certes, ils ont choisi ce métier mais ils ne sont pas préparés à y faire face et ne le peuvent sans doute pas. L’esprit humain n’est pas fait pour entendre quotidiennement des récits d’horreurs. Alors des stratégies de défense se mettent en place, pour le meilleur et pour le pire, que ce soit pour la victime, pour l’auteur ou encore pour le professionnel. Des psychologues sont présents dans les commissariats pour entendre les professionnels mais sont, en général, peu sollicités. Du fait du groupe d’abord, face auquel on ne peut pas paraître faible mais aussi parce que parler de ce qui a choqué expose aux conséquences de la violence crue des faits. La distance instaurée par leur cynisme et leur détachement apparent leur permet de garder l’insupportable à bonne distance, elle leur permet de rentrer chez eux le soir et de revenir travailler le lendemain. De se plonger dans les situations traitées, ce qu’on en pense, ce que cela nous fait, peut rendre les fonctionnaires de police plus vulnérables ou plus sujets à un effondrement psychologique. Cette prise de parole devient alors dangereuse là aussi et elle devra être accompagnée et soutenue. La parole est toujours à privilégier, dans un cadre sécurisé et sécurisant, bienveillant et contenant, qui que soit la personne qui décide de prendre ce risque : parler, se raconter.
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