PAULINE BEURIER-ORSINI
PSYCHOLOGUE-PSYCHOTHÉRAPEUTE
PSYCHOLOGUE-PSYCHOTHÉRAPEUTE
![]() Les « free hugs » proposés en pleine rue, les « bars à câlins » nés au Japon et qui s’ouvrent un peu partout, les « ateliers à câlins » venus des Etats-Unis, de la Suisse et d’Angleterre qui comptent de plus en plus de participants… Cette mode qui nous vient de la vague New Age des années 60-70, voit ses rangs de fans grossir un peu plus tous les jours. Mais qu’est ce que cela dit de notre société actuelle ? L’individualisme et la performance, poussés à leur paroxysme, nous ont-ils fait perdre de vue un de nos besoins fondamentaux : le contact avec l’autre, se reconnaître en l’autre, créer du lien ? Ce que la science semble dire est que le contact physique et l’étreinte lors d’un câlin augmenteraient notre taux de cytosine, « l’hormone du bonheur » et abaisseraient le taux de Cortisol, hormone responsable du stress. Ces « câlins » Ce point de vue, ajouté à ce que l’on sait maintenant de la nécessité du contact physique et affectueux pour le bon développement psychoaffectif et intellectuel d’un enfant est cependant intéressant. Pour les enfants, comme pour les adultes, le contact physique baisse l’anxiété, ralentie le rythme respiratoire et améliore la confiance en soi. Cela avait déjà été découvert au travers du « syndrome d’hospitalisme » (René Spitz, psychanalyste) qui est un état dépressif observé chez les nourrissons séparés longuement de leur mère et privés de liens affectifs. Si, sur une longue période, on apporte à un nourrisson les soins de bases nécessaires (alimentation, hygiène…) mais en n’interagissant pas avec lui, en ne créant aucun lien affectif avec lui, l’enfant va se laisser dépérir. Le contact physique affectueux et interactif participe activement à ce lien. La « Calinothérapie », ça existe ? La « calinothérapie » est une idée venue des Etats-Unis et résulte de l’observation faite par les hôpitaux sur des nouveau-nés de femmes toxicomanes, hospitalisés pour un syndrome de sevrage et délaissés. Les nouveau-nés souffrant d’un tel syndrome présentent un état d’hyperexcitabilité, d’hypertonie, de troubles digestifs et respiratoires. Ces bébés sont souvent irritables et difficiles à calmer, ont un petit poids de naissance et un périmètre crânien inférieur à la normale. Dans ces situations, il est fréquent que la mère n’arrive pas à s’occuper de son enfant qui arrive dans un contexte difficile. La mère est souvent peu disponible psychiquement pour lui et prise dans une grande culpabilité. Ces enfants sont traités sous Méthadone, dont les effets secondaires sont importants et il a été observé que le fait de prendre ces enfants dans les bras et de leur apporter une attention soutenue, permet d’éviter de trop leur administrer de médicaments. L’hôpital de Boston a lancé en octobre 2016 le programme « Calm ». Il s’agit d’une centaine de volontaires (souvent des étudiants en médecine) qui passent chacun 2 heures auprès d’un nourrisson qu’ils prennent dans leur bras, cajolent, bercent… les effets semblent être immédiats et très prometteurs. Ce qu’il en est chez nous En France, cette méthode n’existe pas sous cette forme (pour le moment ?) mais d’autres initiatives existent, comme par exemple à la maternité du CHU de Montpellier. Depuis 1997, une réflexion a été lancée dans le but de faciliter l’accès aux soins pour les femmes toxicomanes enceintes. Un accueil spécialisé à été créé avec une sage-femme et une auxiliaire de puériculture qui suivent la mère et son enfant, soutiennent et favorisent le lien de la femme avec son bébé au travers d’une hospitalisation conjointe prolongée en maternité. Un travail de collaboration avec l’équipe de pédopsychiatrie est en place pour la prévention des troubles de l’attachement parent-enfant pouvant se retrouver dans les diades mère-enfant où la mère souffre de toxicomanie (mais cela est étendu par les professionnels de ces équipes aux femmes en situation de précarité ou présentant des troubles psychiatriques ou ayant un passé obstétrical traumatique). L’accent est mis sur les craintes principales de ces femmes, qui peuvent les empêcher de se faire connaître et d’accepter cette aide. En effet, la peur du jugement et de la stigmatisation est forte et incite ces futures mères à rester dans l’ombre. Plus forte encore, la peur du placement de leur enfant est un sujet à verbaliser immédiatement avec elles pour leur faire comprendre l’importance du lien à tisser avec l’enfant ou, si cela n’est pas possible, l’aider à préparer ce placement et la mettre au cœur du processus. Le dispositif depuis qu’il est en place a fait baisser le tôt de placement de ces enfants de 60% à 4%. Le CHU note également une grande participation des pères (75%) dans la prise en charge de ces nouveau-nés et de l’importance de leur présence auprès de la mère et de l’enfant, fortement encouragée par toutes les équipes médicales et paramédicales à la maternité mais aussi lors du retour à la maison et du suivi prolongé proposé par la PMI auprès de ces familles. Retenons que pour son bon développement, l’enfant à un besoin essentiel d’attention, d’affection et de contacts chaleureux pour s’apaiser et booster sa confiance en lui. Mais les adultes y sont tout aussi sensibles, ne négligez pas le pouvoir réparateur du câlin ! Pour aller plus loin Sur une note plus légère, terminons en évoquant le nom de Mata Anritanandamayi, plus connue sous le nom d’Amma (« la mère » en Hindi). Prêtresse pour les uns, gourou pour les autres, cette sage indienne fait le tour du monde pour offrir ses bras et son réconfort inconditionnel à tout ceux qui le demandent, se voulant être symbole d’amour et de fraternité universel. Vous trouverez aussi de la lecture sur ce thème comme par exemple l’ouvrage de la psychologue Céline Rivière « la calinothérapie, une prescription pour le bonheur ».
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Les émotions : apprendre à en faire nos alliésNous nous croyons libres de penser ou d’agir par nous-même, mais nous sommes en réalité et la plupart du temps, le jouet de nos ressentis et de nos émotions.
On peut répertorier 6 grandes émotions « primaires », sur la base desquelles nous fonctionnons tous : La joie, la peur, la tristesse, la colère, la surprise et le dégoût. Et nous sommes tous traversés, en permanence, par ces émotions et leurs corolaires : la honte, l’impatience, le mépris, la rage, l’inquiétude, la méfiance, la déception, l’étonnement, l’émerveillement, la gaité, le soulagement, l’enthousiasme… et bien d’autres encore ! Au quotidien, les émotions sont vues et vécues au travers d’un mode de lecture simple : Il y a de « bonnes » émotions, positives, acceptables et acceptées, reconnues comme des qualités personnelles ou relationnelles. Et puis il y a de « mauvaises » émotions, négatives, à bannir, à contenir ou à ignorer… Dans ce mode de fonctionnement, nous sommes malheureusement plus enclins à subir nos émotions qu’à nous en servir et à écouter ce qu’elles ont à nous dire. Pour commencer, il serait plus judicieux d’envisager les émotions comme étant des expériences soit « agréables », soit « désagréables ». Et plutôt que de tenter de les mettre de côté quand elles ne répondent pas à nos attentes, il faudrait au contraire les accepter, les laisser venir et les laisser être. Ainsi, nous avons la possibilité de les observer de l’extérieur, de ne pas se laisser envahir, aveugler et guider par elles mais de les regarder et de les comprendre. Il sera alors beaucoup plus facile de les nuancer, de les maintenir à leur juste place, de leur attribuer leur juste valeur et de leur permettre de jouer pleinement leur rôle : nous guider dans notre compréhension de nous même et du monde qui nous entoure. Mieux se connaître et se sentir plus en harmonie avec soi même et avec les autres, passe nécessairement par l’acceptation et l’intégration de TOUTES les émotions que nous ressentons. Il n’est pas anormal de ressentir de la peur, de la colère, de la tristesse, de la honte. Ce qui est un problème, « c’est d’être débordé par ces émotions, de s’y noyer, de les ruminer ou de vouloir les empêcher à tous prix »*. L’intérêt de tout cela est de se souvenir qu’il faut se garder de fusionner avec nos émotions qui ne sont qu’une réaction immédiate et primaire de notre esprit et de notre corps, face à un événement. Ce que l’on ressent, c’est ce que l’on ressent. Pas plus. Pas moins. Ce n’est ni bien ni mal d’être en colère ou inquiet et il n’y a pas à juger de cela. Il ne s’agit pas de sélectionner nos émotions. Ce qui compte c’est ce que nous allons faire de celles qui nous apparaissent et la façon dont nous allons les exprimer. Quelqu’un me double ostensiblement dans la file d’attente. La colère que je peux ressentir à ce moment là n’est pas à remettre en question. En revanche, c’est la façon dont je vais l’exprimer qui est à penser et qui peut engendrer des conséquences. Vais-je choisir d’invectiver cette personne ou vais-je ne rien dire et passer les minutes suivantes à ruminer mon ressenti et échafauder des réponses cinglantes qui ne verront probablement pas le jour ? Ma colère, dans cet exemple classique, exprime peut-être mon sentiment de ne pas être respecté, considéré ou encore de ne pas avoir la maîtrise de la situation. En se re-centrant sur soi, son émotion et son ressenti, il nous est plus facile d’identifier notre émotion, de comprendre notre réaction et nous permet ensuite de répondre correctement à nos propres besoins : est ce que je choisi de laisser faire car ça n’a finalement pas d’importance pour moi ou est ce que je décide de signifier, posément, à cette personne mon désaccord face à son attitude qui me semble grossière. S’autoriser à ressentir une émotion, « l’accueillir » même si elle est désagréable et l’accepter comme telle, rend possible l’accès aux pensées et aux ressentis qui y sont reliés et permet d’apaiser son vécu, d’équilibrer son raisonnement, de faire des choix et de prendre des décisions en accord avec soi-même et ses convictions. Ainsi nous prenons des décisions en dehors de toute réaction émotionnelle vive et faisons des choix plus stables, de manière plus sereine et en cohérence avec ce que nous sommes. Une émotion « désagréable » nous donne des indications précieuses sur ce que nous traversons au moment où nous la ressentons. L’ignorer reviendrait à ignorer une partie de qui nous sommes et à être coupé de nous-mêmes. Sur ce même schéma, se sentir parfois triste est on ne peut plus normal, Cela fait partie de la palette émotionnelle qui nous constitue. Bannir la tristesse de nos ressentis, c’est nous mentir à nous même, se couper de nos expériences et de notre vécu. La tristesse ne représente un obstacle ou un problème que si elle devient constante, envahissante et se transforme en sentiment dépressif. Tout comme la peur, qui déclenche une réaction de fuite ou de combat (physique et psychique) mais qui nous permet, ainsi préparés, de « survivre », la tristesse et toutes les autres émotions, sont là pour nous aider à lire notre environnement et à naviguer parmi toutes les informations, tous les stimuli qui nous parviennent de l’extérieur. Ce qu’il est important de retenir, c’est que toutes nos émotions sont utiles et nécessaires. Ce n’est que la représentation que nous nous en faisons qui en donne la « couleur » et qui influence notre vécu, nos expériences et nos souvenirs. Reconnaître ses émotions, accepter qu’elles existent, apprendre à les identifier ou encore à localiser leurs manifestations dans notre corps, nous donne la possibilité de les vivres librement, pour ce qu’elles sont et pour ce qu’elles ont à nous apprendre d’une situation mais aussi de nous-même. De cette manière, nos émotions ne sont plus des tyrans qui nous avilissent, qui nous engagent inconsciemment dans des comportements ou des actions, elles sont des alliés puissants qui nous guident dans notre lecture du monde et de nous-même. Enfin, il faut garder à l’esprit que les émotions guident nos pensées et qu’elles les influencent directement. Une émotion pénible va entrainer une lecture péjorative d’un événement et nous faire réagir en conséquence. La pensée qui est régie uniquement par une émotion est souvent un piège qui nous fait réagir de manière inadaptée ou disproportionnée. En ce qui concerne ces pensées, il faut bien se souvenir qu’elles ne sont pas des faits mais bien des pensées et qu’elles sont, par essence, impermanentes, apparaissant et disparaissant spontanément. Pour aller plus loin : La méditation de pleine conscience (MPC) ou Mindfulness, nous permet de prendre en compte et de nous connecter à tout ce qui nous traverse : émotions, pensées, ressentis… La MPC est basée notamment sur le « concept des 3 C » : le Cerveau, le Cœur et le Corps. Prendre le temps d’identifier nos pensées, nos émotions et nos ressentis corporelles nous offre la liberté de faire des choix et de prendre des décisions « en pleine conscience », c’est à dire sans que nous soyons soumis à nos émotions et avilis par elles. La MPC est à voir comme une façon de vivre, de voir les choses et de les appréhender plus que comme une « activité » tel que le Yoga par exemple. Les objectifs sont différents. « Plutôt que de penser à ses émotions, on peut essayer de les ressentir. Dans quel partie de notre corps cela se passe-t-il ? Ne pas laisser notre esprit se rétrécir sur des émotions douloureuses, tourner en boucle dessus et les ruminer sans rien résoudre. Quand suis troublé par une émotion plutôt que de me remettre à agir, plutôt que de me distraire, je peux peut-être prendre le temps et prendre conscience de ce que je suis entrain de vivre. Que se passe t il en moi en ce moment ? J’observe mes émotions avec bienveillance. Dans quel état me mettent-elles ? En quoi est ce douloureux ? En quoi est différent de ce que j’éprouve d’habitude ? Je suis comme un nageur emporté par un courant. Je reste à la surface, je le suis, je ne lutte pas contre mais j’observe où il m’entraîne pour, peu à peu, m’en écarter ? je reste à la surface sans me faire engloutir. Les émotions qui nous font souffrir sont justes des expériences humaines et normales. Ce n’est pas la première ou la dernière fois que ca m’arrive et d’autres humains ont vécus ce que je vis. »* *passages tirés des méditations guidées de Christophe André (accès libre et gratuit sur utubes). Pour tous les publics et pour une initiation ludique à ce concept, je vous conseille le film d’animation « Vice-Versa » de Walt Disney (2015). |
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